mercredi 21 novembre 2012

Réseaux sociaux : le mariage heureux de Linkedin et des entreprises


La communication des entreprises s’est vue littéralement bouleversée par l’apparition rapide et la montée fulgurante des médias sociaux. Ceux-ci permettent aux consommateurs, aux candidats de créer, relayer de l’information sur les entreprises et marques. Une authentique transparence d’échange prend place et nombreuses sont les organisations victimes de cette transparence. Réputation, notoriété, image, influence, confiance peuvent êtres détruits par une crise de communication "online". Le challenge aujourd’hui est pour les entreprises de saisir le train en marche, de comprendre les médias sociaux existants, de choisir sur lesquels se positionner et quel discours tenir. Les entreprises doivent ouvrir le spectre de leur communication aux réseaux sociaux.
Les médias sociaux se présentent à la fois comme une opportunité de communiquer à une grande échelle, de créer de la proximité et de décupler son image de marque. Mais c’est aussi une menace car la moindre erreur peut avoir des répercussions inquiétantes en termes financiers et de confiance.

Les entreprises se sont lancées dans l’univers impitoyable des réseaux sociaux, une étude Burson-Marsteller révèle dans le Figaro que parmi les grandes entreprises du classement Forbes 100, 84% ont une visibilité sur au moins un réseau social en 2011, contre 79% en 2010.  Si l’on décortique les médias sociaux utilisés par les entreprises on se rend compte que Facebook et Twitter occupent le haut du pavé. Résultats paradoxaux en effet car ces réseaux sociaux sont d’abord dédiés aux échanges entre « particuliers », à la transmission d’information en temps réel. La place de l’entreprise arrive en second plan. Par exemple Facebook développe une offre « corporate » seulement en 2010, l’apparition de la timeline entérine la volonté du géant de faire venir les entreprises dans son univers.

Mais quelle histoire raconter ? Se positionner comme une Marque, avec des produits et des innovations, c’est-à-dire une communication semblable à celles existantes sur les canaux radio/presse/télé ? Ou se positionner aussi comme un employeur idéal, un lieu de développement de ses talents ?

Linkedin, bien que placé en moins bonne position dans le cœur digital des entreprises jouit d’un positionnement particulier et à mon avis extrêmement pertinent. Publicis publie un livre blanc à ce sujet en parlant de « nouveau territoire de communication » et « d’outil négligé ».
Il présente les opportunités méconnues des « company pages », une offre variée et extrêmement marketée, contrairement à Facebook où l’aspect « employeur / recruteur » n’arrive que doucement. Linkedin c’est promouvoir une marque, des produits, une stratégie, une vision, mais aussi des opportunités et des métiers sur une même page.
Linkedin permet ce doux mélange, présenter une entreprise à la fois par ses produits et ses hommes. Ainsi l’entreprise qui choisit d’être acteur sur ce réseau peut positionner le membre de linkedin à la fois comme client et potentiel collaborateur. Linkedin devient alors à la fois un outil commercial et un support de communication RH.

Google prouve ici son innovation, son génie créatif et ainsi sa force concurrentiel tout en rappelant que derrière toute création se trouve des métiers et des gens. Ainsi force le respect « commercial » et « rh » joue sur les deux attractivité et la confiance.

Au-delà de cette possibilité Linkedin c’est aussi un réseau social qui utilise les grands principes du marketing tout en intégrant les grandes nouveautés de communication d’entreprise : transparence, qualité, réactivité, dimension promesse employeur/rh.
En effet, les « company pages » peuvent se décliner dans des audiences, c’est-à-dire un message, un univers graphique différent selon les cibles = des marchés définis en amont. Nous pouvons penser à des audiences par pays ou zones géographiques mais également par métiers ou profils. La maîtrise de son image et de son discours s’en voit affinée.


Page Danone France

Le marketing se définit par un ciblage des marchés, profitables mais c’est aussi mener des analyses chiffrées et fournies. Linkedin permet d’étudier les "followers" de l’entreprise, les "viewers" des profils de mes employés, d’où viennent et où partent les collaborateurs (guide utilisation linkedin). Il s’agit d’analyses de son attractivité sur différents marchés et types de populations : on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les études clients et marchés menés dans les services marketing des entreprises. Mais Linkedin permet aussi d’avoir une grande visibilité sur sa concurrence, ses activités, ses news, son positionnement, son attractivité… Sur ce dernier point il concurrence même les grandes entreprises de ranking en place selon Franck la Pinta.

Sur la page LVMH il est possible de voir si l'on a dans son réseau direct ou indirect des contacts travaillant chez LVMH. Ainsi le visiteur peut contacter son réseau et surtout se projeter dans l'entreprise de façon instantanée car du lien direct a été crée.

En conclusion, l’entreprise tâtonne dans son positionnement sur les réseaux sociaux, hésitant dans son message et le choix des réseaux. Il apparaît que Linkedin se présente comme un outil de qualité, bien que trop méconnu par son format innovant et fourni. Linkedin est la métaphore de l’avenir de la communication d’entreprise sur le web 2.0 : innovante, transparente, multiple et ciblée.


Sources/ en savoir plus :


mercredi 14 novembre 2012

Intelligence Economique et Numérique

Xerfi Canal, "WebTV" de l'institut Xerfi, vous propose de visualiser une présentation de Claude Revel sur les relations entre l'Intelligence Economique et les technologies numériques dans le cadre de leurs émissions thématiques sur l'iconomie initiées lors de la conférence "de l'économie à l'iconomie".

Source image : Xerfi Canal
Claude Revel revient sur des thèmes majeurs abordés notamment dans son dernier livre "La France : un pays sous influences ?" ou encore lors de la conférence réalisée en mai dernier à Sciences Po Paris :
  • l'intelligence économique comme discipline de "traitement de l'information pour en tirer de la connaissance et de l'anticipation, des moyens de prévention des risques et de sécurisation [...] et [...] des stratégies d'influence";
  • la transformation de l'information en une énergie, grâce au et véhiculée par le numérique, "devenue aussi stratégique pour l'économie et le politique que des énergies physiques comme le pétrole ou le gaz";
  • l'utilisation non éthique des technologies numériques facilitant la manipulation d'individus ou de groupes;
  • la nécessaire formation aux outils de l'intelligence économique et du numérique dans l'enseignement public à tous les niveaux;
  • le manque d'anticipation de la France dans l'utilisation des outils du numérique; 
  • etc.
Liens / en savoir plus :

Vive le Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances SKEMA Business School


Fin du Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances?

Peut être l'avez vous lu ou appris, la formation Mastère Spécialisé en Intelligence Economique et Management des Connaissances SKEMA Business School est ajournée pour l'année 2013.
En tant qu'étudiant faisant partie de la promotion 2012, je me sens donc un peu orphelin. Mais gageons que cette formation renaisse de ses cendres encore plus forte, malgré des esprits chagrins qui l'ont déjà enterrée (ils se reconnaîtront).
Dans l'absolu, on ne peut se réjouir de la disparition d'une formation dès lors qu'au même titre que ses consœurs, elle participe à la promotion de l'IE et forme de futurs professionnels qui eux-mêmes essaimeront par la suite.

C'est dans cet esprit qu'Alain Juillet, en tant que Haut Responsable pour l’Intelligence Economique, avait commissionné en 2004 un collège de responsables de formations de troisième cycle en Intelligence Economique afin d'établir un Référentiel de formation en IE, partant du constat qu' "à la suite du rapport du député Carayon, le Premier ministre a décidé d’engager une politique publique d’intelligence économique pour faire face aux nouveaux défis de compétitivité auxquels doit faire face l’économie française. La création d’une mission a été décidée et un Haut Responsable pour l’intelligence économique a été nommé.Il est clair pour tous qu’une filière solide nécessite des formations de qualité". (Référentiel de formation en Intelligence Economique, Secrétariat général de la défense nationale, 2004, pdf). Notons que le MS IEMC avait été une des premières formations à être labellisée par ce référentiel.

Mais, l'Intelligence Economique ne serait-elle pas rentrée dans une nouvelle phase, d'où une réinvention nécessaire d'une formation en IE?

Nous nous autorisons à penser que loin de disparaître, le MS IEMC de SKEMA connaît une phase dite de destruction créatrice au sens de J. Schumpeter, afin d'amorcer un processus de réinvention pour être le plus en phase avec les enjeux de l'Intelligence Economique d'aujourd'hui et de demain.
Selon Marcon (2009), « l‘histoire de l‘intelligence économique en France est marquée par une succession de thèmes en vogue qui ont progressivement enrichi le concept, le champ disciplinaire et les pratiques des professionnels. La veille stratégique est sans aucun doute à l‘origine du domaine. Mais des questions de management des connaissances, de coopétition, de lobbying, de protection de l‘information, de construction de dispositifs intelligents ont émergé au fil des années et de l‘intérêt manifesté pour le domaine par des chercheurs de disciplines nouvelles, des praticiens de tous secteurs, des entreprises opérant dans les technologies numériques. Il en est résulté un périmètre français de l‘intelligence économique élargi par rapport à l‘approche américaine centrée sur la veille stratégique et la gestion des connaissances (Davenport & Prusak, 2007) et une approche asiatique plutôt centrée sur l‘intelligence collective (Fayard 2006) » (p.198).  C‘est aussi la recommandation de Bruté de Rémur (2006) que de dépasser les frontières disciplinaires pour parvenir à appréhender la complexité inhérente au concept d‘IE." (Le concept français d’ “intelligence économique”: histoire et tendances, Mylène HARDY, Working paper, 2011, pdf)

La voie ne serait-elle pas à une refonte du référentiel de 2004, ce afin de prendre en compte l'enrichissement du concept d'IE ainsi que l'évolution des besoins des entreprises dans un contexte toujours plus mondialisé; refonte à effectuer sur un mode collaboratif des responsables de formation IE, à l'instar de celui qui a prévalu en 2004, rompant avec une course au classement SMBG des meilleurs Masters Intelligence Economique et Knowledge Management.

Alors, le MS IEMC va "mourir", vive le MS IEMC, au sens d'une succession attendue et d'une formation réinventée!

mercredi 7 novembre 2012

Le journal interne d’entreprise, élément essentiel à la mémoire d’entreprise

L’ère industrielle a vu naître le journal interne d’entreprise et la Seconde Guerre Mondiale lui a donné plus de puissance avec un besoin accrue d’information. Véritable vecteur de motivation et de cohésion il participe à la productivité industrielle de l’époque et pour certains même à la victoire des Alliés selon l'article "Le Journal d'entreprise à la croisée des chemins de la technologie" de Charles Moumouni et Michel Beauchamp. La période post guerre guerre voit fleurir les journaux internes et son prolongement à travers de nouveaux outils par l’essor des nouvelles technologies.

Le journal interne a toujours eu pour vocation d’informer de façon descendante, de faire passer de l’information des dirigeants vers les salariés. Partie intégrante du développement social de l’entreprise, il encourage la fierté d’appartenance et dessine l’identité de l’entreprise, ses valeurs, son histoire. C’est une caisse de résonance qui met en scène les métiers et les hommes, ouvre des fenêtres aux collaborateurs sur d’autres projets, histoires... Donner de l’information apaise les collaborateurs qui vont prêter moins d’attention aux rumeurs et bruits de couloir, c’est un véhicule d’information primordiale.
Bien au-delà, le journal interne est un outil de communication entre salariés, les rallier à une cause commune, les amener à se rencontrer et à échanger. "Une entreprise doit élaborer un plan annuel dont l'objectif est de relayer sa stratégie, susciter l'adhésion de ses salariés, créer du lien et développer une culture commune", selon Jean-Marc Décaudin, co-auteur de "La Communication interne" (Dunod).
Le journal interne décloisonne de façon horizontale et verticale, il doit informer et donner de l’intelligence mais il doit  aussi procurer de la satisfaction et de la fierté.

Cependant, si on considère le journal d’entreprise comme un moyen d’information et de communication complet et continu dans l’organisation ne serait-il pas pertinent de l’envisager sous l’angle du management des connaissances ?

Le journal interne d’entreprise n’a pas pour vocation de rassembler le patrimoine, cependant, malgré lui il forme une mémoire. Selon Catherine Malaval dans son article « La presse d’entreprise, une mémoire de l’entreprise » il en forme même plusieurs :

- Une mémoire sélective
Le journal d’entreprise doit rassembler et non pas diviser, c’est en cela que sa mémoire est sélective car il évite les informations difficiles, qui pourraient diviser. Le journal est ‘éditorialement’ orienté, il n’est pas une boîte aux lettres, il véhicule un message, met en scène les actions et informations. Mais même les photos d’ateliers, témoignages, et informations sociales témoignent de l’état de l’organisation à une période donnée. C’est une photographie à un moment T, et toute photographie a un angle, une prise de vue, une position.

- Une mémoire du passé
Le journal interne relaie les mythes autour de la création et du développement  de l’entreprise. Il forme le canal de diffusion privilégié de ces histoires car l’écrit donne forme et pérennise l’aspect oral du mythe.
Au delà des contes et beaux mythes le journal interne recense les produits crées, valorise les innovations technologiques et ainsi permet d’établir une mémoire des savoir faire et prouesses techniques. Après les process, les produits, la communication interne promeuvent les sorties de produits, puis les valorisent puis les intègrent au patrimoine.
Ainsi le journal interne se fait mémoire du passé, d’un passé revisité, mis en scène certes, mais fonde un patrimoine en termes d’origines, de processus de fabrication et de produits développés.

- Une mémoire des représentations
L’entreprise a pris d’autres dimensions ces vingt dernières années, véritable acteur économique l’organisation se veut citoyenne, responsable et lieu d’enseignement. Les collaborateurs sont aussi la cible de ces messages et ceux-ci sont véhiculés par le journal interne. Par là même la culture d’entreprise, ensemble de symboles, représentations, codes et vocabulaires communs, se retrouve dans cette presse corporate. Chaque salarié peut ainsi trouver sa place, se représenter son « utilité » dans l’organisation, dans le groupe. Le journal interne doit donner du sens aux missions quotidiennes de chacun en donnant de la hauteur, de la visibilité. Et de cette façon rend chaque salarié ambassadeur de ce message, il l’engage dans la vision stratégique et dans sa communication à l’extérieur.  Ces connaissances sur les démarches de l’entreprise, ses engagements, ses activités et chiffres d’affaires sont essentielles.

En conclusion, le knowledge manager doit envisager le journal interne de l’entreprise comme une source d’information clefs sur le passé, véritable mémoire vivante il forme un film vivant de l’histoire de l’entreprise. Et bien au delà il peut au quotidien être un outil pertinent d’identification et modélisation des savoirs avant d’être un outil de transmission.
Nous pouvons également élargir cette réflexion aux autres outils éditoriaux de la communication interne que sont les intranets et les réseaux sociaux internes.

Sources

Laboratoires d'idées, R&D et course vers l'innovation

R&D dans le monde

Les investissements en R&D dans le monde ne cessent de croitre, avec un budget établi à plus de 1 400 milliards de dollars prévu pour l’année 2012 par près de 40 pays dans le monde, avec un trio de tête composé par les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Cet élan est poussé par les groupes industriels et les entreprises qui cherchent à développer leurs activités et à rester compétitifs dans un contexte mondialisé, grâce à l’innovation technologique.

Des acteurs dominants

Certaines structures ont d’ailleurs développé l’ensemble de leur modèle de développement sur la recherche perpétuelle d’innovation, la créativité, y compris dans leur système managérial. Ainsi Google, Amazon ou Apple, se sont désormais imposés comme les géants du web.

Un modèle suivi

A l’image de ces grandes réussites, cette stratégie tournée vers la R&D, l’utilisation des nouvelles technologies et l’innovation ne s’impose plus qu’au sein des entreprises dont l’activité reste centrée sur les nouvelles technologies, le marketing et le web.

Le modèle étant facteur de compétitivité et d’attraction de la clientèle s’étend désormais dans des secteurs variés, marqués pourtant par l’image d’une certaine rigidité structurelle et d’une culture rigide.

Ainsi les groupes bancaires ou agroalimentaires ouvrent leur propre pôle de recherche et d’innovation et présentent désormais des solutions de shopping basées sur l’utilisation du mobile ou d’outil connecté par exemple.

Laboratoires d’idées dans la grande distribution

Walmart, le premier distributeur mondial, a récemment ouvert à la visite les portes de son bureau situé au cœur de la Silicon Valley et dédié à la création d’innovation, fonctionnant sur le modèle d’un laboratoire d’idée.
Walmart s’est inspiré des systèmes d’organisation managériale de groupes spécialisés dans les nouvelles technologies tels que Google ou Facebook, échappant ainsi à la culture propre aux groupes de grande distribution moins favorable à la création.
Cette tendance est d’ailleurs portée par de nombreux groupes à travers le monde, qui présentent chacun leur initiatives en terme de shopping connecté ou d’intégration du mobile dans le parcours d’achat de leurs clients.

Concrétisation des investissements

Ce type d’investissement mène finalement à l’apparition de nouveaux modèles de shopping et de paiement au sein des grands groupes distributeurs de part le monde.

Ainsi un des leaders de cette tendance est le britannique Tesco qui était le premier à lancer un magasin virtuel dans le métro coréen en été 2011. Par la suite, le groupe a poursuivi ces investissements et vient par exemple de présenter une solution de shopping virtuel en 3D à domicile baptisée « Store Trek ».



Les groupes français innovent aussi avec des offres de shopping sans contact pour Casino et Leclerc, et d’autres magasins virtuels lancés par Carrefour dans la gare de Lyon Part-Dieu le 2 octobre.

Un enjeu majeur de survie

Cette course à l’innovation est synonyme d’investissement important et même, pour les groupes tels que les géants du web, un enjeu clé de survie.
La R&D et la recherche de l’innovation sont devenues de véritables sujets de conflit entre les grands groupes. Cette guerre s’est d’ailleurs déplacée sur le secteur juridique, avec une course au brevet  extrêmement couteuse :  Apple et Google dépensant plus en frais juridiques qu’en R&D finalement (Apple ayant dépensé 3 milliards et 2011 et quelques 4 milliards cette année).

mercredi 24 octobre 2012

Le caractère indispensable de l'Intelligence économique dans le marché du B2B

source: www.sellingpower.com
© Sellingpower magazine
Contrairement au marché Business to client (B2C), où la promotion des produits/services passe en grande partie par des campagnes publicitaires sur différents supports médias allant du classique (télévision, presse écrite, radio...) au média 2.0 (sites web, réseaux sociaux, blogs...), le marché du Business to business (B2B) est extrêmement limité dans sa stratégie publicitaire. 
Les prospects/clients cibles étant des entreprises globalement peu réceptives à la publicité "traditionnelle" et aux discours "marketés", la règle du jeu change du tout au tout et requiert par conséquent des acteurs du B2B une stratégie de maîtrise de l'information de leur écosystème dans sa totalité (concurrents, législations, innovations, méthodes de pricing, prix du marché, acteurs et jeu d'influence...) et surtout des clients donneurs d'ordres (DO) notamment lors des appels d'offres (AO) où plusieurs entreprises sont mises en concurrence directe pour livrer une prestation compétitive en termes de qualité, prix et valeur ajoutée.

La stratégie commerciale des acteurs du B2B dépend fortement de l'information collectée et l'influence de ces acteurs sur leur marché (un acteur proactif qui contribue aux innovations dans son marché a plus de pouvoir et légitimité auprès des DO qu'un acteur réactif qui se contente d'adapter ses offres aux cycles et changements du marché). D'où le rôle indispensable de l'Intelligence économique (IE) dans le processus commercial et la course vers la compétitivité.
Il est impératif pour un prestataire du B2B de définir sa zone de prospection et sa stratégie de réponse aux AO, en mettant en place une veille concurrentielle efficace.      
  
Une veille efficace dans le marché du B2B doit se focaliser sur 3 points cruciaux :
  • établir une liste de ses principaux concurrents et collecter de l'information à partir de sources ouvertes et analyser leurs stratégies de communication dans le marché (présence offensive ou défensive, supports et moyens de communication) afin d’avoir un aperçu détaillé de leurs offres. Il est relativement compliqué de collecter des informations pertinentes sur ces offres notamment à cause du Non Disclosure Agreement (NDA) ; un document de confidentialité et protection des informations signé systématiquement par les DO et les prestataires lors des AO, d’où l’intérêt de mettre en place un système de veille puissant pour construire une matrice d’information qui permettra par la suite de comparer les offres en interne à celles de la concurrence directe. Pour ce genre d’exercices, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en France et le Freedom of Information Act (FOIA) aux Etats-Unis sont des sources précieuses d’information.
  • Etablir un profil détaillé du DO, en collectant des informations sur ses sous-traitants, ses fournisseurs, ses relations avec les institutions publiques, sa politique RSE, afin d’adapter l’offre aux exigences et surtout aux problématiques rencontrées par le DO, car déterminer la problématique du prospect permet d’élaborer des offres riches en valeur ajoutée, ne se contentant pas de reproduire un cahier des charges et exécuter des ordres précis, si le contexte actuel pousse les entreprises à optimiser leurs coûts, ces dernières exigent rigoureusement des prestations de qualité à haute valeur ajoutée.
  • Cependant il ne faut pas inclure cette valeur ajoutée dans toutes les offres, car certains DO cherchent via leurs AO une prestation précise avec un budget défini au préalable. Certains prestataires répondent aux AO en soumettant deux propositions distinctes, une dupliquant le cahier des charges et une haut de gamme. Au lieu de « jongler » avec les propositions commerciales et parfois répondre de façon arbitraire, les prestataires du marché B2B doivent apprendre à mettre en place une action de veille applicable pour tous les AO, consistant à la compréhension en profondeur de l’environnement politique et économique dans lequel l’entreprise DO évolue ; subit-elle une conjoncture de restriction budgétaire ou évolue-t-elle dans une conjoncture favorable au développement et l’innovation ? Connaître les critères de notations des réponses aux AO et identifier l’entité ainsi que les personnes en charge de l’évaluation et la sélection sont d’une grande importance.  
Ces différents points exigent une méthodologie précise pour obtenir des résultats pertinents et maintenir une homogénéité dans le processus commercial afin de gagner en compétitivité en connaissant les forces et faiblesses des concurrents et bâtir ainsi de puissants leviers de différenciation, ainsi qu'une excellente maîtrise des sources d'informations ouvertes.

L’autre élément clé de réussite dans le marché du B2B est l’influence. Peu appliquée en France, pour des raisons de culture et d’appréhension, l’influence est pourtant primordiale pour mener à bien les actions commerciales.

Influencer l’environnement qui influence les décisionnaires et les acheteurs, telle est la recette magique. Cette action exige encore une fois l’identification de l’écosystème du DO en influenceurs internes et influenceurs externes, cet exercice s’avère assez complexe vu la multitude des parties prenantes et la nécessité de mesurer leur influence.

Les acteurs du B2B ne peuvent plus se contenter aujourd’hui de mettre en place des actions commerciales classiques, basées sur des campagnes d’emailing, des campagnes de prospection téléphonique, ou de brochures vantant les mérites des prestations offertes.

La concurrence est forte et s’accroît de jour en jour, les leviers de différenciation des offres et des prix se réduisent et les marchés évoluent rapidement. Certains prestataires n’ayant pas pris conscience de tous ces paramètres se contentent de survivre, malgré la qualité de leurs prestations et l’expertise de leurs employés.

Il est important pour tous les acteurs du B2B d’opter pour une stratégie moyen et long terme basée sur l’intelligence économique et ses différents outils pragmatiques pour améliorer leur positionnement et contribuer à modeler leur écosystème, plutôt que de se restreindre à une politique court-termiste consistant à répondre aux AO de façon classique et identique non personnalisées et prospecter une large base de données d’entreprises de façon aléatoire.

Fadoua Yaqobi

Pour aller plus loin: Top Tactics for Engaging&Influencing Today's B2B Customer, Sales&Marketing 2.0 Conference Report, October 2011

Intelligence Economique, quelle place décisionnelle en entreprise ?

L’année 1994 connut la parution du rapport Martre, un document prônant principalement l’intégration de l’Intelligence Economique (IE) au sein des entreprises, la compréhension de la méthode d’optimisation du patrimoine immatériel de l’entreprise et de l’information émanant de son écosystème économique, géographique, politique et social dans le but de gagner en compétitivité, surtout dans un monde marqué par la fin de la guerre froide, l’émergence de nouvelles puissances économiques et la mondialisation des échanges, transférant ainsi la puissance de la case politique et militaire à la case économique.

2012, le poids des multinationales égale voire dépasse parfois celui des États (en 2011 la firme américaine Exxon Mobil a dégagé  un bénéfice net de 41,1 milliards de dollars, supérieur au PIB de la Suède par exemple), l’avancée des hautes technologies bat son plein avec la multiplication de brevets et de produits révolutionnaires et la concurrence est devenue féroce attaquant des 4 coins du globe avec l’émergence de nouvelles puissances économiques avantagées par la faiblesse du coût de la main d’œuvre, offrant ainsi les mêmes services tout en cassant les prix, une concurrence parfois déloyale et dépourvue d’éthique, privilégiant l’espionnage industriel et des pratiques douteuses pour s’imposer et régir les lois du marché.
Cependant, en analysant de près les différentes entreprises françaises notamment les PME, le constat par rapport à l’intégration et l’assimilation de l’IE est fort concertant. Partant d’un point de vue personnel, l’IE doit faire face à 3 obstacles majeurs en entreprise :
  • les idées reçues : l’IE signifie systématiquement Espionnage pour certains cadres et chefs d’entreprise, provoquant ainsi peur et paranoïa, malgré les efforts des spécialistes en IE pour mettre fin à cet amalgame, l'article de Madame Claude Revel "L'intelligence économique est efficace et responsable" paru dans le Monde démontre clairement que l'IE n'est en aucun cas une pratique d'espionnage.
  • une mauvaise utilisation : L’IE est considérée comme un outil et est réduite à une utilisation purement technique via la veille, confiée généralement au département Marketing (stagiaire ou jeunes recrues majoritairement), avec des outils classiques et peu performants (faible connaissance des outils de veille et de recherche, budget limité, faible maîtrise du processus de collecte et d’analyse de l’information).
  • l’ignorance : L’IE est complètement inexistante dans certaines entreprises, notamment les PME, la plupart n’ayant jamais entendu parler de cette discipline.
Dans une interview accordée à la revue Sécurité globale intitulée « L’intelligence économique en questions», Monsieur Alain Juillet déclarait que les Grands Groupes français se sont dotés de services défensifs en intelligence économique (sécurité physique et technique), mais ne pratiquent pas assez l’IE offensive (influence, lobbying...).

Pourquoi le concept d’IE peine tant à s’imposer dans tous ses aspects au niveau des entreprises ?
Il me semble que le caractère transversal et la nécessité de travail en réseau bouleversent les structures hiérarchiques. Le partage et transfert du savoir, des connaissances et de l’information va à l’encontre de la culture interne de certaines entreprises où les employés gardent jalousement leur savoir-faire et connaissances secrets, les considérant comme gage de leur valeur ajoutée et importance au sein de l’organisation.

Il y a un véritable malaise lorsqu’il s’agit de partager et diffuser, de travailler spontanément en réseau  et non dans le cadre d’un projet spécifique, malheureusement, la plupart du temps, cette culture hostile au partage des connaissances et à l’IE est renforcée par l’idéologie du top Management et de la Direction, ces derniers étant parfois peu convaincus de l’utilité et l’importance de l’IE dans le processus décisionnel et stratégique. Une direction qui ne maîtrise et ne définit pas clairement l’utilité et le but d’un concept nouveau à la culture de l’entreprise aura automatiquement du mal à convaincre le reste du corps de l’entreprise à l’appliquer et l’utiliser à bon escient.

L’IE n’étant pas une discipline technique, ne correspondant pas à un secteur précis, mais passant par la mobilisation de plusieurs expertises au-delà des compétences techniques complique la tâche pour les chefs d’entreprise. Doivent-ils la confier à des opérationnels experts-métier ? A quel département correspond-elle, R&D ? Innovation ? Planification ? Sur quelles bases peuvent-ils recruter des responsables IE ? Où s’arrête le pouvoir d’un responsable IE ?

Il est légitime de se poser ces questions, et même d’avoir parfois du mal à trouver les réponses adéquates et bénéfiques dans le processus d’intégration de l’IE.

Je pense que l’IE doit être parfaitement distincte même si elle requiert évidemment la coopération de tous les départements, il faut donc avant tout travailler sur la culture du partage et de la diffusion de l’information au sein des organisations, avec l'aide d'une plateforme efficace et simple d’utilisation de Knowledge Management (KM), des chartes internes claires, mais surtout une sensibilisation des employés de l’entreprise à ces nouvelles pratiques et leur intérêt pour la survie et la compétitivité de l’entreprise.

Durant mes expériences au sein de grands groupes comme au sein de PME, j'ai constaté que la diffusion de l’information se faisait souvent à la demande, au sein d’équipes restreintes, et n’atteignait jamais le centre de décision/direction, la recherche de l’information étant souvent considérée comme secondaire, régie par le couple temps/urgence.

Une fois la barrière de la culture franchie, l’environnement interne de l’entreprise sera plus apte à intégrer progressivement les nouvelles pratiques, ainsi le rôle du KM qui d’ailleurs doit être un département à part de l’IE est de gérer l’information et les connaissances en interne et les optimiser au maximum, facilitant la tâche pour l’IE au sein de l’organisation. Il s'agit avant tout d'instaurer le capital humain au centre de la stratégie d'ensemble.
Concernant les problématiques de recrutement, il me semble qu’opter pour des opérationnels/experts-métier est un mauvais choix, leur collecte et traitement de l’information seront forcément biaisés par leur propre vision, ce qui est contraire aux attentes de l’IE, où l’information doit être brute, réelle et objective et ne pas dévier l’analyse et la stratégie décisionnelle dès le départ. Cependant un responsable IE doit connaître parfaitement le monde de l’entreprise, le profil idéal étant un spécialiste (ingénieur, financier…) à double casquette IE.

Cette dernière phrase pose la question de la place et la valeur décisionnelle de l’IE au sein de l’entreprise, en posant la problématique je me suis rendue compte que les avis sont fortement partagés, les limites des objectifs stratégiques et tactiques de l’IE ne sont pas clairement définis dans les esprits.

L’IE élabore les scenarii, fournit des informations de grande valeur qui une fois analysées débouchent sur des stratégies bien ficelées pour gagner en compétitivité et en puissance; l'étape décisionnelle doit se faire par des analystes et stratèges de l’entreprise, mais devrait inclure dans le "process" l’avis du responsable IE, ce dernier maîtrisant bien l’information de l’écosystème de l’entreprise. Cependant les rôles d’un décisionnaire et d’un responsable IE ne sont pas identiques et ces derniers ne peuvent fusionner en un seul poste.

In fine, si l’Etat français a pris conscience de l’intérêt de l’IE pour la compétitivité et les stratégies de croissance, en créant des entités publiques dédiées à l’IE, en nommant de hauts responsables IE pour travailler en collaboration avec les ministères, en sensibilisant les firmes (grands groupes, PME, TPE…) via des colloques, conférences, rapports, ou parfois des outils "simples" tels que l’Autodiagnostic IE, un questionnaire accessible sur le site du Ministère de l’économie et dédié au PME/TPE, permettant à ces dernières de se situer en matière de bonnes pratiques IE en répondant à des questions précises et ciblées, l’IE demeure parfois prisonnière des idées reçues et de la culture hostile au changement au sein des entreprises, où la valeur de l’information n’est pas considérée comme un élément majeur de rentabilité à moyen et long termes.

Dans le contexte actuel, où la concurrence et l’avancée technologique croissent à une vitesse vertigineuse, les entreprises doivent adopter l’IE et l’intégrer intelligemment dans un monde où l’information et le savoir sont devenus le patrimoine le plus précieux de l’entreprise.

Malgré les obstacles constitués principalement de la culture hostile au changement et aux concepts innovants, nécessitant le travail en réseau et non l’individualisme qui trône partout, le rôle des leaders, chefs d’entreprises et managers est d’instaurer rapidement mais efficacement la culture de l’IE qui une fois adoptée, apporte à l’entreprise les armes nécessaires autant pour se défendre que pour "mener la danse".

Les spécialistes de l’IE ont également un grand rôle à jouer, en touchant une large audience sur les différents supports web et de communication classique afin d’éliminer la barrière de la peur et les inexactitudes entourant l’IE, mais surtout en privilégiant la compétitivité dans les thèmes abordés. 

L’heure est à l’optimisme ! En regardant de près le Baromètre de l’IE Lingway-Portail de l’IE Mai 2012, la compétitivité est au centre des débats IE sur la toile, détrônant la réputation et l’économie.
      
© lingway Vertical semantic solutions

Fadoua Yaqobi

Sources / en savoir plus :

jeudi 18 octobre 2012

Le "brevet" ou la mort de l'innovation

Source: http://www.directmatin.fr/guerre-des-brevets
"L’économie de la connaissance connaît aujourd’hui des évolutions rapides ; la circulation des idées expérimente des formes nouvelles et les échanges de brevets se développent rapidement en favorisant une allocation plus fluide des actifs immatériels.
La séparation entre l’invention proprement dite et les actifs permettant sa mise en œuvre économique (capital physique, infrastructure commerciale, etc.) est une tendance majeure".
Ce  constat extrait du rapport intitulé "Les marchés de brevets dans l’économie de la connaissance "(document PDF, 2 Mo) nous renvoie directement aux événements actuels et à ce que certains appellent  la "guerre des brevets".

Le terme n’est pas nouveau mais revêt de plus en plus une dimension stratégique tant le rôle de la protection du patrimoine immatériel devient un thème central de la concurrence entre organisations mais aussi entre pays comme le décrivait Jean Tirole et Roger Guesnerie dans leur publication "L’économie de la Recherche-Développement",  en 1985 déjà...

Comme nous l’explique Bernard Lamon, « en France et aux Etats-Unis, les conditions pour obtenir un brevet sont identiques dans les grandes lignes, mais elles diffèrent sur un point. Dans les deux cas, il faut avoir résolu un problème et créer une invention.
En France, l’invention ne peut être un logiciel ou une méthode commerciale.
Aux Etats-Unis, la jurisprudence est beaucoup plus tolérante, et on trouve des brevets sur des méthodes commerciales. La jurisprudence de l’Office européen des Brevets est un peu plus tolérante sur les inventions mises en œuvre par un logiciel, mais quasi identique à la France concernant le rejet des brevets sur les méthodes commerciales. » (source: atlantico)
On touche ici à la notion de brevets d’usage plus large et plus compliquée à contourner, ces brevets deviennent des "actifs redoutables" ainsi, " lorsque l'innovation fait la différence commerciale, le brevet devient la première arme stratégique"(Vincent Lorphelin).

Longtemps le brevet a été considéré comme un moyen de protéger une invention mais désormais, "poursuivre en justice, c’est un moyen d’enrayer le dynamisme des concurrents et de préserver les parts de marché", explique aux Echos Leslie Griffe de Malval, de la société IT Asset Management.
Le procédé n’est donc plus seulement défensif mais aussi offensif.
L’émergence des Smartphones et le marché qu’ils représentent ont fait exploser cette tendance en créant une véritable économie du brevet, en témoigne cette infographie:


Source: Reuters

"Depuis quelques années, sont apparus des acteurs que les initiés appellent des “patent trolls”: des entreprises ou des particuliers qui utilisent le système des brevets non pour protéger leurs inventions, mais pour gagner de l’argent d’une manière qui peut s’apparenter à du chantage ou à de l’extorsion. Par exemple en faisant breveter des procédés qui existent déjà mais ne sont pas protégés ; ou encore, plus souvent, en acquérant un brevet (auprès d’une firme en faillite) puis en menaçant d’un procès une entreprise utilisant la technologie protégée. Laquelle entreprise aura le choix entre payer une licence au prix fort, ou encourir le risque d’un procès et les frais qui y sont associés".

Cette explication, parue dans ParisTech Review ," Les brevets freinent-ils l’innovation?" caractérise le changement d'idéologie des entreprises et la question se pose désormais sur le bien-fondé du procédé ; le brevet avait pour but de protéger une entreprise dans sa démarche de recherche et développement, de lui permettre de rentabiliser les frais engagés et de garder son avantage compétitif vis-à-vis de ses concurrents.

Il semblerait qu’aujourd’hui le but ne soit plus de protéger l’innovation mais d'empêcher celle des autres. Cette tendance mise en perspective macro-économique peut paraitre inquiétante et le nombre de procès engagés ces derniers mois remet directement en cause la valeur même de ces brevets,  l’adéquation du système aux méthodes actuelles mais aussi la capacité des tribunaux à statuer.

Les problèmes anticoncurrentiels générés nous font craindre une menace sur l’innovation elle-même mais surtout, dans un monde et une économie où la performance est basée sur l’échange d’information et sa fluidité, nous ne pouvons qu’espérer que le système sera capable de s’adapter afin de ne pas s’en trouver lui-même déséquilibré.

Pour aller plus loin:

lundi 1 octobre 2012

Quand l'lntelligence (Economique) devient collective

Les outils de la Prospective Stratégique au service de l'Intelligence Economique 

L'information représente l'énergie ou encore le carburant nécessaire à la mise en marche de la machine/activité Intelligence Economique, activité dépeinte au travers du cycle de renseignement.



Selon François-Bernard Huyghe, "ce « cycle » se divise en phases – quel que soit le nom qu’on leur donne – allant de la recherche à l’emploi de l’information pour la décision stratégique. Le processus commence donc par la définition des priorités de recherche. Il se poursuit par l’enchaînement des opérations au cours desquelles un acteur (le plus souvent un service étatique) oriente ses recherches, recueille les données, les analyse et les transmet aux responsables concernés pour les aider à prendre la bonne décision".  (Source huyghe.fr)
La problématique est liée au recueil des données. En effet, cette tâche est le plus souvent celle de l'analyste en Intelligence Economique ou du veilleur. Il s'agit pour lui de trouver les sources adéquates en rapport avec le problème posé et d'acquérir les informations afin de lancer la phase d'analyse.
En d'autres termes, cette étape correspond à "la collecte méthodique des informations qui commence d'abord par la recherche des sources pertinentes, documentaires, humaines ou techniques". (Source Wikipedia)
Le point qui nous intéresse ici est lié à la notion de sources humaines.  En effet, plus loin dans la définition nous trouvons "Le renseignement humain est un renseignement dont la source d'information est une personne humaine. Par extension, le renseignement humain désigne toutes les activités et méthodes de collecte (entretien, interrogatoire, enquête...) et d'analyse associées. Dans l'esprit du grand public, c'est l'activité la plus souvent associée au terme espionnage" (ibid.).
Cette définition est très restrictive et en effet mène à cette confusion avec l'espionnage qui gangrène la compréhension du concept d'Intelligence Economique. Mais mon propos n'est pas relatif à ce dernier aspect, il l'est plutôt à son aspect restrictif. En effet, la problématique est de recueillir de l'information. Lorsque nous sommes en phase prospective, le plus souvent, l'information n'est pas disponible et le futur est incertain, pouvant donner lieu à de multiples possibles. Dans ce contexte le recueil de l'information devra être fait de manière différente. Nous devons sortir des méthodes de veille classiques pour rentrer dans le champ des méthodes de prospective.

Les méthodes de prospective: un complément voire un pan à part entière des méthodes de recueil d'informations


Si l'on convient que l'Intelligence Economique est une méthode (cf. précédent billet blog, L'intelligence Economique: un nouveau discours de la méthode), alors celle de l'analyse structurelle devrait être intégrée à la boîte à outils de l'Intelligence Economique.
Mais qu'est-ce donc et pourquoi la considérer comme utile dans une démarche d'I.E.?
En fait "L'analyse structurelle est un outil de structuration d'une réflexion collective. Elle offre la possibilité de décrire un système à l'aide d'une matrice mettant en relation tous les éléments constitutifs de ce système. Partant de cette description, cette méthode a pour objet, de faire apparaître les principales variables influentes et dépendantes et par là les variables essentielles à l'évolution du système".  (Source Site La prospective : "Pour penser et agir autrement", Michel Godet).
De cette définition, il faut retenir notamment l'aspect participatif. En effet, en I.E. le recueil de l'information n'est pas toujours aisé soit que la problématique est confidentielle, sans possibilité de trouver de l'information à partir des différentes sources, soit que l'on cherche à circonscrire un phénomène qui fait intervenir un nombre important de variables interdépendantes. Il faut donc actionner l'intelligence collective. Au sein d'une entreprise, la collecte de l'information est réalisée via la réunion des experts internes (parfois avec un renfort externe pour l'animation du groupe) sur le domaine considéré. Comme dirait Philippe Scotto intervenant au sein du Mastère spécialisé SKEMA : Intelligence Economique et Management des Connaissances en Prospective Stratégique, l'analyse structurelle est une valse à 3 temps :
Phase 1 : Recensement et définition des variables
Phase 2 : Description des relations entre les variables
Phase 3 : Identification des variables clés

Pour concrétiser quelque peu, voici une illustration à partir d'un travail de groupe sur le thème du leadership effectué dans le cadre du cours de Philippe Scotto.

Phase 1 : Recensement et définition des variables (extrait de 10 définitions sur 23)


Phase 2 : Matrice d'influence intervariables (1 = influence)
Phase 3 : Identification des variables clés
Les enseignements de cet exercice : Le président Eisenhower définissait le leadership comme suit : « Il s’agit de faire faire aux gens quelque chose, non pas parce qu'on leur dit de le faire mais parce qu'ils ont instinctivement envie de le faire pour vous». Ainsi les variables clés pour susciter ce côté instinctif de l’exécution sont, dans notre système, la vision, l’exemplarité et l’enthousiasme, supportés par l’énergie, le dynamisme, la compétence, le charisme et une stratégie en tête. Avoir de facto des aptitudes à mener crée le leadership et cette qualité est-elle-même entretenue/renforcée par la pratique du leadership. De leur côté, la communication, l’entrainement, le management, l’autorité, la direction et l’équipe sont des résultantes du leadership. Par exemple, l’équipe acquiert sa cohérence, se fédère du fait notamment d’une vision qui est transmise.

En définitive, l'analyse structurelle est très puissante et s'inscrit dans l'étape 1 du cycle du renseignement Recherche et Collecte de l'information. D'aucuns diront que sa faiblesse est la subjectivité des parties prenantes formant le groupe (dans le choix des variables, leur définition, leurs relations d'influence). Il faut certes de la rigueur dans la composition du groupe et dans son animation. Une fois ceci assuré, la subjectivité n'est plus un défaut, elle est une force, car c'est un résultat de groupe qui permet de générer de la connaissance et in fine d'agir sur son environnement. N'est-ce pas le fondement de l'Intelligence Economique?

Pour en savoir plus :
Michel Godet : Identifier les variables clés : L'analyse structurelle (Pdf),
Michel Godet - Philippe Durance : La prospective stratégique pour les entreprises et les territoires

Intelligence Economique : une marque?

Intelligence Stratégique, Intelligence des Risques, Competitive Intelligence, Business Intelligence... : un foisonnement des appellations 

L'Intelligence Economique connaît un foisonnement des appellations à la fois dans l'Hexagone et outre-Atlantique. Du coup, ceci peut jeter un trouble sur la compréhension même du concept.
Bernard Carayon dans la partie Avertissements du rapport « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale » paru en 2003 (Pdf) a voulu trancher le débat : « L’intelligence économique a fait l’objet de multiples définitions d’experts. Plusieurs personnalités auditionnées ont souligné la confusion – entretenue par la double acceptation du mot intelligence entre intelligence économique et espionnage et suggéré de changer d’appellation. "L’intelligence économique" reste cependant une "marque" sur laquelle tout le monde s’entend, faute d’un autre choix crédible ».
Pour autant le débat est-il vraiment tranché? Les amalgames et les confusions qui ont été faits l'année dernière au moment de l'"affaire Renault", semblent montrer que non.
Alors comme nous y invite Frédéric Martinet,  « il y a fort à faire en intelligence économique, en veille stratégique. Qu’avant de nous soucier de l’espionnage économique nous devrions nous soucier de ces pays qui aujourd’hui viennent nous mettre en difficulté sur notre compétitivité produit, sur nos innovations.
Le repli sur soi même, la stigmatisation de l’ "autre" à travers la mise en exergue de quelques cas marginaux d’espionnage ou de pillage économique, qui existent par ailleurs depuis que l’économie existe, ne devrait pas nous faire ignorer tout le chemin qu’il y a à faire dans la surveillance et la compréhension de son environnement économique et de ses concurrents ». (Quand l'Intelligence Economique brasse du vent, site Actulligence).

Moult signifiants pour un même signifié?

L'Intelligence Economique est-elle toujours une "marque", un marqueur? Dans ce cas, le concept d'IE renverrait donc à  une palette de disciplines. Et, la variété des appellations, telles que Intelligence Stratégique, Intelligence des Risques, Competitive Intelligence ou encore Business Intelligence, ne répondrait qu'à ce souci de spécifier le champ de l'Intelligence Economique qui est couvert; des composantes d'un tout qu'est l'Intelligence Economique. Pour faire un parallèle au travaux de Ferdinand de Saussure en linguistique, l'IE serait le concept, le signifié et les différentes appellations en représenteraient ses signifiants, ses images acoustiques.
Signifiant et signifié, d'après un schéma de F. de Saussure

L'IE conserverait donc ce statut de "marque" fédératrice.

Tiré de "Introduction à l'Intelligence Economique et à la protection du patrimoine informationnel"
Ecole Européenne de l'Intelligence Economique (Pdf)

Ou moult signifiés?

Pour autant, force est de constater, à l'instar de François-Bernard Huyghe, qu'« entre le pôle de la théorie pure et celle des recettes sécuritaires, la géoéconomie et les pratiques quotidiennes, les méchants espions et les gentils managers, le sulfureux et le trivial, l’offensif et le défensif, le mondial et le local, la cognition et la persuasion, on s’y perd un peu ».  Ne serions-nous pas en présence de multiples concepts couvrant un spectre plus large que celui de l'IE?
Ainsi, l'Intelligence Stratégique ferait donc référence à « l’Intelligence capable de créer une synergie entre trois activités qui permettent aux organisations d’être innovantes, plus compétitives et d’assurer leur pérennité par :
1. la surveillance de son environnement externe (Intelligence Economique),
2. la surveillance des changements internes qu’elles doivent opérer (Knowledge Management),
3. la mise en [place] des stratégies adéquates afin de prétendre à des décisions pertinentes au temps opportun (en usant des outils de Business Intelligence) ».
De son côté, l'Intelligence des Risques est « un concept innovant de management des risques par l’intelligence économique. [...] Elle scrute et anticipe les évolutions en cours à travers la veille sécuritaire globale ; voit poindre d’autres réglementations et normes anglo-saxonnes qui dessinent les contours de la sécurité future, aux plans financier et comptable, informatique, de gestion de la santé et de la sécurité au travail, de sécurité de l’information » (Bernard Besson & Jean-Claude Possin, De l'intelligence des risques à la mission de protection, tome 1).
Outre-Atlantique la  « Competitive Intelligence is knowledge and foreknowledge about the entire business environment that results in action »  (Seena Sharp, Competitive Intelligence Advantage).
Ou encore la Business Intelligence « également "intelligence d'affaires" ou "informatique décisionnelle", englobe les solutions informatiques apportant une aide à la décision avec, en bout de chaîne, rapports et tableaux de bord de suivi à la fois analytiques et prospectifs. Le but est de consolider les informations disponibles au sein des bases de données de l'entreprise ».

En définitive, il est manifeste que l'on s'y perd un peu, d'autant plus que le vocable "intelligence" est associé à différents substantifs (risques, stratégie, concurrence, business...). Du coup, peut-on encore affirmer que l'Intelligence Economique reste LA marque sur laquelle tout le monde s'entende? Certainement trouver un nom plus fédérateur (au sens de fédération des différentes disciplines couvertes) n'est pas une fin en soi, mais serait un moyen de re-clarifier le concept. Un concept qui renvoie à un processus, une gestion du cycle de l'Information : un management. Un concept qui a une finalité : s'inscrire dans le processus de construction de la stratégie d'une entreprise ou d'une organisation, de même que dans le processus de suivi de cette stratégie (sous l'angle de mise en lumière de risques).  Alors pourquoi pas une appellation telle Management des Risques Stratégiques ou Management de l'Information Stratégique. Mais finalement tout ceci n'a-t-il pas déjà été dit par Alice Guilhon, lorsqu'elle définit l'Intelligence Economique comme "le processus de maîtrise de l’information stratégique ayant pour finalité la réduction des risques" (Source Alice Guilhon/Groupe de travail du HRIE).

lundi 24 septembre 2012

Claude Revel missionnée sur le développement de l’influence française en matière de normes

Claude Revel, experte en influence, auteure de nombreuses publications sur le sujet (dont récemment le livre "La France : un pays sous influences ?"), professeure et Directrice du Centre Global Intelligence & Influence de SKEMA et ancienne membre du Haut Conseil pour la Coopération Internationale auprès du Premier ministre, vient d'être missionnée par la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, sur le "développement de l’influence française en matière de normes".

Le rapport qui sera remis au ministre fin décembre couvrira au moins 3 aspects (source portail du ministère du commerce extérieur) :
  • "la présence française dans les principales instances de normalisation, professionnelles, multilatérales et privées ;
  • les enjeux des normes dans des accords de libre-échange à venir et en cours tels que l’accord Union Européenne/Etats-Unis, le TransPacific Partnership, des accords avec les pays de la Méditerranée… lesquels fixent une perspective de convergence réglementaire;
  • la prise en compte de nos normes par les bailleurs de fonds internationaux".
Nous vous invitons pour plus d'information à consulter l'annonce sur le portail du ministère du commerce extérieur.

Source et liens :

Conférence sur l'iconomie par Xerfi

L'Institut Xerfi organisait le 19 septembre dernier une très intéressante conférence sur le sujet de l'Iconomie, en présence notamment de Laurent Faibis, président du groupe Xerfi, Jean-Michel Quatrepoint, journaliste-essayiste, Christian Saint-Etienne, économiste, professeur au CNAM et Michel Volle, économiste.

"L'iconomie est le système économique qui permet aux consommateurs, aux entreprises, aux institutions et à l'État de tirer pleinement parti du système technique fondé sur la microélectronique, l'informatique, l'Internet et l'intelligence partagée. Passer de l'économie à l'iconomie, c'est adopter un nouveau modèle de compréhension de l'économie. Ce modèle permet de définir une orientation stratégique pour la compétitivité, la croissance et la renaissance de la France" (source invitation à/présentation de la conférence Xerfi "De l'économie à l'iconomie").

L'institut Xerfi propose via sa chaîne Xerfi Canal de voir et revoir les interventions de 3 participants :
Vous trouverez également sur le blog "Sens & Action", une analyse de Claude Revel sur le sujet de l'Iconomie suite à cette conférence.

Liens

vendredi 21 septembre 2012

Mobile et diffusion de l'information

Problématique de la mondialisation en termes d’accès à l’information

Internet est aujourd’hui devenu un outil fondamental pour la diffusion de l’information, notamment marqué par le développement du web 2.0 qui fournit des plateformes d’échange entre les utilisateurs eux-mêmes. En 2010, on comptait 2 milliards de connectés dans le monde et ce nombre connait une croissance exponentielle depuis les années 2000 (avec un doublement de ce chiffre entre 2005 et 2010).
Pourtant, en termes de connectivité, des inégalités mondiales perdurent, suivant le niveau de développement des pays. La problématique d’accès aux infrastructures est un élément clé de cette inégalité.
Or l’accès à l’Internet est devenu fondamental en ce qui concerne le développement des échanges économiques et la circulation de l’information, et reste donc un facteur de développement. 
La fracture numérique caractérisée par les inégalités d’accès aux technologies informatiques semblent pourtant pouvoir être contrées grâce à la démocratisation d’un outil désormais indispensable : le mobile.

 

L’importance du mobile dans le monde

D’après le rapport "Maximizing Mobile" réalisé par la Banque Mondiale en juillet 2012 et  traitant de la maximisation de l’utilisation du mobile, près de 75 %  de la population dispose d’un téléphone mobile, ce qui représente 6 milliards de lignes actives. En 2000, le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile atteignait à peine le milliard.
Un aspect fondamental de ce rapport repose sur les résultats de la répartition des mobiles dans le monde qui dépasse les barrières des inégalités liées au développement des pays. En effet, sur les 6 milliards de lignes actives aujourd’hui, 5 milliards sont ouvertes dans les pays en voie de développement. 

Les pays en voie de développement bénéficient pour la première fois d’un atout majeur pour assurer leur développement en étant mieux équipés que les pays développés en matière de téléphonie mobile, un outil aux multiples potentiels, indispensable à la lutte contre les inégalités, remplissant des rôles d’intégrateur et de développement fort notamment basé sur des services d’accès aux informations relatives à la santé ou aux démarches administratives par exemple.

 

Diffusion de l’information

La révolution mobile n’en est qu’à son commencement. Permettant de passer outre les barrières infrastructurelles, il offre un accès ouvert à l’ensemble de la population mondiale à Internet, notamment.
En termes de services, 30 milliards d’applications avaient déjà été téléchargées début 2012, offrant de multiples solutions à destination des populations grâce au SMS par exemple, afin de recevoir des informations sur les prix des échanges relatif à l’agriculture ou sur des rapports médicaux lors d’une grossesse.
A l’image des événements relatifs au Printemps Arabe, le mobile connecté joue aussi désormais un rôle important en politique et ouvre la voie de l’échange et de la mobilisation des populations en faveur de la liberté et de la défense de leurs droits d’expression.

Source/en savoir plus : rapport "Maximizing Mobile" réalisé par la Banque Mondiale (juillet 2012)