dimanche 27 mai 2012

Le "Soft Power", la stratégie efficace pour un Etat? (partie 1)


Joseph S. Nye, Jr.
source 
Le Soft Power de Joseph Nye

L'idée de «Soft Power» est apparue pour la première fois en mars 1990 dans l'article «The misleading metaphorof decline» de Joseph Nye. Nye répondait aux thèses «déclinistes» de l'époque, présentées par Paul Kennedy. Ensuite, il a conceptualisé ce «Soft Power» dans le livre «Bound to Lead».

Joseph Nye est professeur à l’université de Harvard, expert à CSIS (Center for Strategic & International Studies), ancien adjoint au sous-secrétaire d'état sous l'administration Carter (1977-1979), ancien président au National Intelligence Council (1993-1994), ancien secrétaire adjoint à la Défense sous l'administration Clinton (1994-1995) et président du groupe nord-américain au sein de la Commission Trilatérale. Nye a développé avec Robert Keohane, dans les années 70, le courant théorique néolibéral et le concept de «complex interdependence» (pdf) (les phénomènes d'interdépendance et les relations transnationales) dans le domaine des relations internationales.

Le Soft Power, «La puissance douce» en français, correspond au pouvoir d'attraction et de séduction. Selon Nye, le Soft Power est la capacité d'obtenir ce qu'on veut par l'attraction plutôt que par coercition ou récompense. L'idée du Soft Power existe depuis toujours (cf. l'art de la guerre de Sun Tzu (pdf))dans la politique internationale : la puissance du pays se fait par la force militaire et économique, Hard Power, et la puissance pour bouger et influencer l’opinion publique, Soft Power. Nye l’a développé comme concept de politique étrangère, et depuis la parution en 2004 de son livre «Soft Power : Means to Success in World Politics», les diplomates, les universitaires et les économistes n’ont pas cessé de débattre sur ce sujet.

Puissance

Nye définit en premier lieu ce qu'est la puissance (Power). Il expose que la puissance est comme le temps (météo), tout le monde en dépend et en parle, mais peu le comprenne. C'est aussi comme l'amour : quelque chose qu'on ne peut ni définir, ni mesurer, mais réel. La puissance est la capacité de produire le résultat que l’on veut, mais aussi la capacité d'influencer le comportement des autres pour obtenir le résultat désiré. Pour cela, il y a plusieurs voies : exercer des pressions par la menace, donner une récompense, ou attirer ensuite coopter.

Nye qualifie la politique internationale actuelle comme une partie d'échecs en trois dimensions. On peut gagner si on joue horizontalement aussi bien que verticalement. La plus haute partie de l'échiquier est celle des relations militaires traditionnelles inter-étatique où l'hégémonie américaine unipolaire existe encore. Mais, dans la partie centrale qui concerne les relations économiques internationales (commerce international, l'anti-monopole ou les régulations financières), les Etats-Unis ne peuvent plus obtenir ce qu'ils veulent sans consentement de l'UE, le Japon, la Chine et les autres. Dans cette partie, la distribution des puissances est multipolaire. Enfin, la partie la plus basse de l'échiquier est transnationale, là où se croisent les problèmes de terrorisme, les crimes internationaux, le changement du climat, la propagation de maladies contagieuses. Ici, la puissance est largement dispersée et désordonnée entre les organisations étatiques et non-étatiques. Nye affirme que beaucoup d'hommes politiques ne s'intéressent qu'à la partie haute de l'échiquier, c'est-à-dire aux sujets militaires, et qu'ils ne jouent que dans une seule partie de l'échiquier alors que le jeu est en trois dimensions. A long terme, c'est une stratégie perdante, parce qu’obtenir les résultats favorables dans la partie la plus basse, transnationale, nécessite l'utilisation du Soft Power.

Le Soft Power est la puissance qui rend les autres envieux d’obtenir les mêmes résultats que nous; cela se réalise plutôt par la cooptation que par la force ou la pression.

Il s'appuie sur la capacité à former les préférences des autres. Dans la vie privée de chacun, nous connaissons la puissance de séduction et d'attraction. Dans le monde des affaires, les chefs d'entreprise et les cadres compétents savent que pour obtenir un meilleur leadership, il ne suffit pas de commander, mais il faut montrer l'exemple et attirer les autres vers ce qu'ils veulent. Il est difficile de diriger une grande organisation seulement par les ordres. Les salariés doivent adhérer aux valeurs des dirigeants. Les leaders doivent partager des valeurs que les autres acceptent et admirent.

Puissance
(traduit à partir du tableau p.8 "Soft Power" Joseph Nye)

Le Soft Power et Hard Power sont reliés. Les deux partagent le même objectif d'arriver à un but en influençant les comportements des autres. La différence entre les deux, concernant la nature des comportements ou la tangibilité des ressources, est relative à la question de degré : dominer ou commander (la capacité de changer leurs comportements) peut se faire par la coercition ou l'incitation. Coopter (la capacité à former et cadrer ce que les autres veulent) peut se faire par le charme de la culture ou par des valeurs.

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